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Jean Le Meingre de Boucicaut, Marechal de France, Gouverneur de Gènes (1401-1409).


Articolo n. 43 - Pubblicato su "Revue Française d'Heraldique" n. 47 del 1977.

"Il Buccicaldo": telle est la forme italianisée traditionnelle du nom français "Boucicaut" sous laquelle est ancore connu dans la péninsule Jean Le Meingre, comte de Beaufort, vicomte de Turenne, maréchal de France et Gouverneur de Gènes, de 1401 à 1409. Il convient de remarquer que cette transposition a, d'evidence, un sens péjoratif: les populations, et notamment les Gènois qui furent ses contemporains, voyaient en Boucicaut le raprésentant d'un monarque étranger et un oppresseur plutot qu'un administrateur. Il est pour le moins contestable que Jean Le Meingre ait réellement opprimé le peuple de Gènes. Il était, certes, un homme de son temps, un soldat plus doué pour la guerre que pour le gouvernement, un homme qui agissait sous la pression des circonstances et qui se trouvait nécessairement dans l'obligation de luovoyer entre les factions qui, dans le cadre mème de la Republique de Gènes, cherchaient à s'eliminer l'une l'autre. Il était un guerrier contraint d'accourir, les armes à la main, pour parer les coups que le Marquis de Montferrat, les Milanais, les Alexandrins, avec Facino Cane, portaient aux frontières de la Republique, afin de s'emparer des territoires de celles-ci. De son temps, les chroniqueurs ne lui ont guère été favorables. Les historiens qui, plus tard, ont analysé son oeuvre et dépeint son comportement à l'aide de documents, et dans une ambiance plus sereine et moins passionnée, ont pu, sinon le réhabiliter entièrement, au moins lui restituer la dignité humaine, politique et administrative qui, au vrai, ne lui fit jamais défaut.
Gènes avait été soumise à la France à la fin de 1396, quand le doge Antoniotto Adorno, menacé par les soulèvements et les émeutes populaires, avait fait appel au roi Charles VI de qui il avait abtenu l'appui. Le doge avait pris pendant quelques mois le titre de gouverneur. En 1397, Valerand de Luxembourg, comte de Saint Pol et de Ligny lui avait succedé dans cette charge. Rappelé en France en 1398, celui-ci avait été remplacé, en 1399, par Collard de Colleville. Ces deux premiers governeurs français ne laissèrent, ni l'un ni l'autre, beaucoup de traces de leur passage. Si les chroniques contemporaines rappellent leurs noms c'est surtout parce que ceux-ci sont liés à la peste qui désola Gènes en ce temps, et aux révoltes populaires qui furent la cause de leur destitution.
Jean Le Meingre, qui reçut la charge en 1401, était un homme d'une autre tempre. Né a Tours en 1366, issu d'une des plus illustres familles de France, il avait déjà combattu en Espagne contre les Maures et, en France, contre les rebelles. En 1396 il avait, dans la suite du duc de Bourgogne, pris part à l'expédition contre Bajazet. Fait prisonnier à Nicopolis, il avait obtenu sa liberté, au priz d'une lourde rançon.
Selon l'historien Serra, il entra à Gènes à la tète de mille chevaux et de mille hommes d'armes. Sa fière attitude semblait confirmer la réputation de fermeté qui l'avait précedé et qui fasait espérer aux Gènois qu'il saurait délivrer la ville de l'anarchie qui s'y était instaurée. Trés pieux, il se rendit d'abord à la cathédrale afin d'y saluer l'évèque. Sitot aprés, il réunit le conseil del Anciens, invita ces derniers à résigner leur charge et les remplaça par des hommes qui jouissaient de sa confiance (Serra dit textuellement: "Il rassembla incontinent le conseil des anciens, et les ayant priés de renoncer d'un ton sans réplique, mit en leur place des affidés"). Il entreprit aussitôt de réorganiser les milices gènoises qu'il encadra par des officiers français et dans lesquelles il fit entrer des éléments dévoués. Afin de garder les frontiéres de la Republique, il plaça des garnisons françaises dans les fortesses. Il changea l'administration des terres sujettes et y nomma des podestats et des officiers de confiance. Il ne manqua point, comme il était d'usage alors, de punir avec une extrème sévérité tous ces qui, durant la vacance du gouvernement, avaient fomenté des troubles et s'étaient placé à la tète des factions. Ce chefs jouissaient évidemment de l'affection d'une grand partie du peuple. En les faisant exécuter, Boucicaut commit une erreur. Il eût du se montrer magnanime pour se concilier la population. Boucicaut agissait en soldat. Comme tel, il ignorait la modération et ne savait pas mettre en oeuvre la politique de détente qui eut alors été la plus profitable. En agissant avec brutale fermeté, il cherchait sans doute à éviter les difficultés auxquelles s'étaient trouvés affrontés ses prédécesserus.
Ayant remis un semblant d'ordre dans le gouvernement, la plèbe dèsarmée, une fois reconstruite la forteresse du Castelletto et ceinte de murailles la Darsena, il entreprit sans désemparer la reconquete de la ville de Monaco et de la forteresse de la Pieve, avec un tel succés qu'il reçut du roi Charles la dignité de gouverneur à vie. Serra, dont nous avons dejà invoquè la témoignage, rapporte le jugement des contemporains. Il affirme que la majeure partie del Gènois, tout en reprochant au Marechal une sévérité excessive, lui reconaissaient d'excellentes qualités d'amninistrateur, "éloigné des vains plaisirs et de la familiarité des dames, aumonier magnifique, et si pieux qu'il entendait quotidiennement deux messes...". En somme, dans les premier temps de son gouvernement, ils l'estimaient, mais le craignaient encore davantage. Ils reçurent avec des honneurs souverains sa femme et sa soeur qu'il avait fait venir à Gènes. Le Conseil vota un cadeau de 2000 gènois d'or en faveur des deux dames. Serra fait observer à ce propos que chez les Gènois de ce temps "les plus craints étaient aussi ceux que l'on courtisait le plus.".
En 1402 et 1403, s'étant placé, avec le titre d'amiral, à la tète d'une flotte de sept galères, il conduisait une expédition dans les mers du Levant, afin de restaurer et renforcer les colonies marchandes gènoises, menacées par le Turc. Durant le voyage du retour, il perdit deux navires dans une rencontre avec la flotte vénitienne. En septembre 1403, il occupa durant vingt-deux jours, la ville d'Alexandrie, qui fut ensuite reprise par le condottiére de Montferrat, Facino Cane.
Entre une expédition maritime et une campagne guerriére, il s'occupait très activement du gouvernement de la Republique. Il concluait des traités, signait des conventions, nommait des magistrats, favorisait les exchanges commerciaux, faisait de bonnes lois, rédigeait de nouveaux statuts et en venait aussi, en dépit de sa stricte piété, à entrer en conflit avec l'archevèque Pileo de Marini, à propos de la réduction du nombre des jours de fète. A son avis, et il avait raison sur ce point, on en était arrivé au point que le quart de l'année était férié.
En aout 1405, il dut reprendre la campagne pour secourir et délivrer certaines forteresses assiégées, sur les confins, par les ennemis habituels: les gens d' Alexandrie et de Montferrat. Il traita avec l'antipape Pedro de Luna (Benoit XIII) qu'il reçut en grande pompe à Gènes. Il chercha à inviter le dominicain Vincent Ferrier (que le peuple réputait déjà saint) à prècher en Ligurie. Durant la peste de 1406, il se preoccupa de régler avec ce dernier toutes les dispositions à prendre en faveur del populations atteintes. Il rendit à Gènes Sarzana et une partie de la Lunigiana. Il promulgua des lois d'une extreme sévérité contre les pirates et il fit rechercher et punir sans pitié tous ceux qui se rendaient complices des pirates, des brigands et des malfaiteurs qui dévastaient le territoire de la Republique. Il favorisa l'artisanat del forgerons et approuva les dépenses pour la fortification de tous les chateaux. Afin de restaurer les finances, il imposa des droits nouveaux sur le poisson, le bois, les chevaux,la pèche du corail, l'usage des perles, les instruments notariés et jusque sur la paie des marins. Il réunit en une seule les diverses Compere (banques et "monti") donnant ainsi son point de départ à l'institution qui prit par la suite la dénomination de "Banco di San Giorgio" et qui devait, pendant plus de trois siècles, demeurer la trésorerie nationale génoise.
Cet homme d'action, naturellement orgueilleux et superbe, en vint, dans son ambition sans frein, à se considerer comme l'arbitre et le maitre de la politique italienne de son temps. Il envisagea une campagne contre Rome et en commença les preparatifs. Pris de repentir, il y renonça toutefois.
Cependant, le mécontentement populaire contre le gouverneur allait croissant. Son extrème dureté, son ambition effrénée l'entrainérent à des excès de cruauté envers ses adversaires. Ses lieutenaints dans la cité se révélèrent, durant son absence, comme des veritables argousins. D'autre part, le marquis de Montferrat, Theodore, et Facino Cane, qui dominaient à Alexandrie, unis dans leur lutte permanente contre Gènes, ne manquerent pas de susciter dans la ville, où leurs partisans étaient nombreux, de continuelles et graves tensions, alors qu'il attaquaient eux-mèmes les frontières. Dans ces circonstances critiques, l'ambition de Boucicaut lui fit commetre l'erreur impardonnable en consequence de laquelle il perdit Gènes.
Sollicité par la faction française d'intervenir à Milan, il y accourut à la tète de troupes nombreuses, laissant ainsi Gènes quasi sans défense, sous la direction d'un de ses lieutenants. Théodore de Montferrat et Facino Cane ne manquerent pas de profiter d'une circonstance si favorable. A la tète de 2000 cavaliers et de 3000 fantassins rassemblés à Acqui, ils descendirent par Molare, Ovada, Voltri et, se présentant aux portes de Gènes, ils demandèrent la reddition de la ville. Le peuple se souleva contre la faible garnison. Hugues Cholet, lieutenant de Boucicaut, fut assasiné avec ses familiers. Les portes de la ville furent ouvertes au seul marquise de Montferrat qui s'empara presque sans coup férir. Au condottière alexandrin Facino Cane, en revanche, fut versée une somme considérable -30000 florins d'or- afin qu'il s'éloignat de Gènes avec ses adventuriers. C'est Facino Cane qui devait vaincre définitivement Boucicaut dans une rencontre près de Novi, alors que le marechal accourait de Milan pour reprendre Gènes (octobre 1409). A la tète des faibles forces qui lui restaient, le "Buccicaldo" s'enferma dans la forteresse de Gavi. Il en devait sortir au bout de deux mois, pour regagner la France. Ainsi termina l'aventure italienne, elle avait duré neuf ans, de ce guerrier génial, superbe et ambitieux qui osait se proclamer, dans les actes de son gouvernement: "Preclarus et Magnificus Joannes Le Meingre dictus Boucicaut Marescalcus Francie Regius et Januensium Gubernator pro Serenissimo Rege Francorum Domino Januensium".
Tel est l'homme qui dut, quasi sans défense, toujour attaqué et accompagné de quelques fidèles seulement, reprendre la route des vallées piémontaises vers son pays d'origine. On trouve à son propos quelques indications dans les croniques des marquis de Saluces et du duché de Savoie. Nous avons ainsi trace de son passage à Moncalieri, Albano Vercellese, Polonghera et, infin, à Carmagnola, en Mars 1410: ultime étape italienne avant de traverser les monts pour rentrer définitivement en France. Il devait encore combattre pour sa patrie à Azincourt en 1415. Il finit ses jours, prisonnier, dans la tour de Londres en 1421. Il avait alors 55 ans.

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